Sihanouk 02 : Ukrainian story

Publié le par TiF.

Je continue mes recits de Sihanouk, en solitaire.

Nico parti en debut d'apres-midi, j'ai decide d'aller faire un tour a la plage de Victory Beach en contrebas de l'hotel.
C'est une petite crique avec un joli ponton d'inspiration chinoise et une boite de nuit ouverte le jour.
La boite merite une petite description, car c'est un truc moitie en plein air, ouvert par des russes, qui ont cree l'espace a partir d'un gros avion entier, dont l'interieur sert de lounge, on danse sous les ailes, et le DJ mixe dans un semi remorque. Le tout dans un gros hangard d'avion decore avec des vieilles voitures etc...
Le truc flashy et marrant.
Je me suis donc posee tranquillement sur un transat a regarder des gosses jouer dans l'eau tout habilles, comme c'est encore la tradition ici.

Le bikini est a peine tolere chez les Baranghs (nous quoi), et les khmers regardent toujours d'un oeil mi choque, mi consterne, mi amuse (je sais, ca fait trois moities), ces etalages de chairs plus ou moins molles d'occidentaux qui se font brunir et rotir sur la plage alors meme qu'eux tentent jalousement de se preserver du moindre brunissement complementaire, la blancheur etant le must...
Le monokini est strictement interdit et le nudisme peut avoir des consequences facheuses, si l'on considere qu'une dame, un peu inconsciente certes, s'est faite lapidee presque a mort il y a 4 jours par des Khmers outrages de la voir ainsi exposee sur une plage tranquille. Coma et hopital....
Bref, ceci etant dit, j'evite quand meme de rester trop en maillot quand je quitte un transat et avec un pareo c'est toujours plus simple.

Je suis donc tranquille toute ma contemplation et a mes reflexions sur la plage, avec un bouquin dans les mains, quand soudain se pointent deux gars a la demarche rigolote.
Ils ouvrent la bouche et la j'entends dans ma tete un fond de musique yougoslave commencer.... Un Caravan Palace va nickel pour s'imaginer mes gugusses...
Me v'la flanquee de deux ukrainiens, l'un d'une bonne cinquantaine d'annee, torse nu, en moule-truc, tatannes, jumelles, chapeau, ray-ban, une bonne gueule d'ukrainien parchemine avec des dents en or, le cheveux grisouillant frisotant, la bedaine rebondie (je ne jette pas la pierre notez bien), et l'autre d'une petite quarantaine a peine, l'oeil stupidement heureux, le short vague et la casquette de travers...
ET LES DEUX SONT DANS UN MANQUE EVIDENT DE COMMUNICATION....

"excuse me miss?
You from?
- France."
Les deux se regardent avec un grand sourire benet et j'ai l'impression d'etre le messie en personne.
Je suis allongee sur on transat, et eux se dandinent devant moi.
"FRANCE!!!!!
You Parish? Marseille?
- no.
- Me know Marseille!!!! Me work Boat!, me dit-il en me montrant un paquebot un peu plus loin. Me Piotr. Me friend Igor."
Et les voila qui se tapent chacun sur le buste en rigolant et en repetant leurs prenoms plusieurs fois.
Moi je reste toujours silencieuse, un sourire poli sur les levres, toujours en contrebas sur mon transat.
"You? Name?
- Tiphaine. Tif.
- Hooooooooooooo. Tif. Ok, ok... "
Ils se dandinent a nouveau, tout sourire.
'You married, boyfriend?
- Yes.
- Where Boyfriend???" Ils regardent autour d'eux, ouvrant des grands yeux, et mettant leurs mains paumes ouvertes dans un signe d'incomprehension pour bien me montrer qu'ils sont curieux de savoir pourquoi je suis seule.
" Boyfriend, hotel! je reponds en montrant du doigt la direction de l'hotel au dessus.
- Hooooooooooooooooooo. Ok, ok..."
Nouveau dandinement.
" me friend and me, on the boat. Work. And now, Cambodgia. Stop. No more work. No pay. Me ingenieur boat...
Never problem. And... now... PROBLEM! NO MONEY! Contract 6 months... You see?  but no money! Stay here Cambodgia 2 MONTHS now!!!!!"
Et les deux de commencer a donner des grands coups de pieds dans le sable d'enervement, pour bien me montrer leur impuissance....
" Me family Odessa. Igor family too. Call family. Say Cambodgia no work, no pay, no can come back home!!!! heu...Wife sad. No Happy. "
Je hoche la tete.
Toutes les 10 secondes en fait.
Le copain, lui, acquiece bruyamment et tout aussi regulierement.

Le plus vieux continue:
" Me Marseille!!!

- Ok, dis-je.

- Marseille, beuark! dit-il en grimacant et en remettant un gros coup de pied dans le sable. Too much arab people.

Arab, arab, arab! dit-il en faisant des signes pour me montrer qu'ils etaient bien partout ces satanes arabes.

Arab beuark!" Et vlan, un autre coup de pied dans le sable.

Il me prend a temoin devant son ami :

"Right? Arab Marseille? Arab, arab, arab."

Son ami le regarde en hochant la tete, l'air de decouvrir une des verites cachees de l'existence.

Je reponds un :

"Yes. True." a moitie serieuse.

Il reprend son analyse:

" You France, big problem arab, huu? Too much!.... WHY???? me demande-t-il avec toute l'incomprehension desolee du monde. Il enchaine.
"France beautiful countryyyyyyy", explique-t-il avec un visage admiratif a son ami, tout en secouant la main pour affirmer son propos.
Mais il recolle un coup dans le sable et repart dans un cri desole :
" BUT TOO MUCH ARAB!!!!!!!!!!!!"

Une pause. Je tente de reprendre le livre que j'ai fini par poser.
Il se gratte le chapeau.
Et se redandine.
Il faut dire que je n'aide pas vraiment la conversation.
Son visage s'eclaire soudain.
"You french, huu??
- yes. Me french. reponds-je dans mon Best Oxford English.
- NAPOLEON!!!!!! " s'ecrit-il en se tapant le front, visiblement se rappelant d'un truc hyper important. Il donne un coup de coude a son ami et lui intime d'aller faire un truc en ukrainien, en montrant leur chaise longue. L'autre a le visage qui s'eclaire egalement aussitot et fonce vers leurs sacs.
Il se retourne vers moi, avec un grand sourire.
" Napoleon?????"
J'avoue que j'ai du mal a saisir le pourquoi du grand petit homme, la, tout de suite, en plein milieu.
Je demande "Yes?" en haussant les epaules d'incomprehension.
Et voila l'autre qui revient avec un grand sourire, en courant presque.
"NAPOLEON!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!" s'ecrit mon ami Piotr.

Il a une bouteille de Cognac a la main.....


La conversation a encore continue un bon moment, meme s'ils ont ete tres decus que je ne souhaite pas boire un cognac a 16h en pleine chaleur.
A la fin, devant mon refus poli et obstine d'aller boire un verre, meme autre chose qu'un cognac hein! Piotr est alle preparer ses affaires de plage avec son ami Igor, et est revenu vers moi pour me serrer sympathiquement la main en me faisant jurer de visiter Odessa et de jamais, jamais prendre ce paquebot pourri, dirige par un chinois.
" Chinese, Beuark!!!! a-t-il conclus en lancant un ultime coup de pied dans le sable...


Publié dans Cambodge

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