Kantha Bopha, l'hopital des enfants...

Publié le par TiF.

Comme vous le savez si vous avez suivi mon blog, mes amis Axel et Atchun rencontrent de terribles difficultés avec leur bébé, la petite Alana, qui a moins de 4 mois...
Il m'a été très difficile d'arriver à exprimer tout ce c'est passé, et d'arriver à retranscrire l'ensemble de hauts et de bas, l'alternance d'espoirs et de peurs qui se sont suivis.
Le seul angle que je trouve est celui très factuel de la description des soins.
Etre près d'eux depuis plus d'un mois déjà, et venir leur apporter mon petit soutien au travers de cette épreuve terrible, m'a donné d'approcher de près la réalité du système hospitalier et médical Cambodgien.

La petite en est malheureusement à sa 7ème opération, car son cas est difficile, et les cauchemars s'enchainent pour ce petit bout de chou...
Pour résumer, elle est née avec une hydrocéphalie. C'est une anomalie neurologique sévère, définie par l'augmentation du volume des espaces contenant le liquide céphalo-rachidien (LCR) : ventricules cérébraux et espace sous-arachnoïdien. De nos jours, ce genre de cas est normalement traité sans problème, et les enfants atteints peuvent vivre une vie normale. 
Mais Alana a fait une hémorragie cérébrale au moment de la naissance.
Kantha Bopha, l'hopital des enfants de Phnom Penh, a procédé à l'implantation chirurgicale dans les cavités du cerveau d’un tube flexible appelé cathéter et qui permet l'écoulement du liquide en excès.  Le bébé a par la suite été évacué une première fois au Vietnam pour un suivi. Puis une seconde fois après mon arrivée pour faire  procéder à une autre intervention, grace à la venue d'un ponte parisien qui a dès lors pris en charge le dossier. L'opération a été un succès, mais hélas, le corps d'Alana ne semble pas tolerer la dérivation implantée de prime abord. Le tuyau a perforé le tube digestif et a été poussé vers la sortie par les voies naturelles. Le problème a été traité de nouveau au Cambodge par opération, mais a été suivi par une infection sévère due très probablement au contact avec les bactéries du gros intestin et de l'extérieur. L'ensemble du dispositif de dérivation, ainsi corrompu, a du être retiré d'urgence.
Mais la petite ne se remet pas bien du tout. Elle a développé dans le meme temps une méningite, et une nouvelle hémorragie cérébrale plus importante... Elle a été transportée en ambulance d'urgence au Vietnam, car le Cambodge ne dispose pas des équipements nécessaires à une nouvelle opération, qui mettrait en place une dérivation externe... Pas de neurochirurgien pédiatrique, ni de chambre stérile pour pratiquer l'opération...

L'attente est terrible, l'espoir s'amenuise, mais mes amis se battent comme des lions, en bravant les frontières. Les trajets sur les routes chaotiques et les passages en bac ont failli avoir déjà raison du bébé...

J'ai accompagné Axel à Kantha Bopha, l'hopital des enfants, pour voir Alana quand elle était traitée ici. C'est impressionnant.
Entendons-nous bien, ces hôpitaux gratuits sont un miracle pour le Cambodge.

Je pique l'excellente présentation de ma copine suisse vivant à Phnom Penh, Sarah, sur son site internet www.sakodo.ch (sans lui demander son avis d'ailleurs, désolée ma belle....)

Beat Richner est né à Zurich le 13 mars 1947. Il termine ses études de médecine en 1973 et se spécialise en pédiatrie à l’Hôpital des enfants de Zurich. En 1974/75, il est envoyé au Cambodge pour travailler à l'hôpital des enfants de Kantha Bopha. Sa mission se termine brusquement lors de la prise du pouvoir des Khmers rouges au Cambodge.

Le Dr Richner a été renvoyé dans son pays, la Suisse où il a repris son ancien travail à l'hôpital des enfants de Zurich. En 1980, avec un de ses confrères, il ouvre son propre cabinet à Zurich.
En 1991, Sa Majesté le Roi Norodom Sihanouk ainsi que le Gouvernement font appel à Beat Richner afin que se dernier restore l’hôpital de Kantha Bopha I. En septembre 1992, Kantha Bopha I est officiellement réouvert par sa Majesté le Roi Norodom Sihanouk.

Tout en poursuivant sa carrière, Beat Richner développe peu à peu le personnage de BEATOCELLO, un rôle artistique où il incarne un clown poétique mélomane. Pendant plusieurs années, il sillonne la Suisse-Allemande avec son violoncelle. Beat Richner a également édité un certain nombre de livres, la plupart du temps des livres pour enfants, pour accompagner ses représentations et ses histoires poétiques musicales.

Fondation KANTHA BOPHA

La Fondation KANTHA BOPHA consiste en 4 hôpitaux pour enfants ainsi qu’un centre de conférence & formation.

Activités annuelles des 4 hôpitaux KANTHA BOPHA

600'000 visites/consultations d’enfants malades
55'000 admissions pour maladies graves
16'000 opérations chirurgicales
400'000 vaccinations
12'000 naissances

Chaque jour

1'000 enfants hospitalisés (durée moyenne de l’hospitalisation 5,5 jour/patient)
2'500 visites aux patients

Sans l’existence des hôpitaux Kantha Bopha 2'800 enfants mourraient chaque mois.  

Les points forts de la Fondation KANTHA BOPHA

Les 4 hôpitaux de Kantha Bopha sont entièrement gratuits (consultations, hospitalisations, opérations chirurgicales, médicaments, etc.). Au Cambodge, il n’y a pas de couverture sociale et 95% de la population est trop pauvre pour pouvoir accéder aux soins. [Meme si depuis la rédaction de cet article, un système de sécu sommaire a été mis en place]

Les hôpitaux fonctionnent 24/24h et emploient 1'650 collaborateurs qualifiés tous de nationalité cambodgienne. Le personnel reçoit un salaire confortable afin d’éviter que ce dernier n’ait recours a un deuxième emploi et enrayer avant tout la corruption.

Les quelques 18 millions de dollars nécessaires au fonctionnement de la Fondation Kantha Bopha proviennent principalement de fonds privés dont seulement 5% sont utilisés pour la gestion administrative. La DDC (Direction du Développement et de la Coopération suisse) finance environ 8% du budget total.

Afin de prodiguer des soins de qualité, les hôpitaux Kantha Bopha sont équipés d’appareils et de laboratoires modernes équivalents aux standards occidentaux.

Pour en savoir plus n’hésitez pas à aller visiter le site officiel www.beatocello.com








La réalité de Kantha Bopha, ce sont des queues sans fin de parents et d'enfants attendant jour et nuits dans la rue. La file entoure tout l'hopital. Les gens attendent sagement que leur tour vienne, encadrés par la police continuellement, qui gère cette foule disparate et misérable. Les bébés exsangues pendent dans les bras de leur mère, tandis que d'autres gamins trainent par terre. Les femmes sont en pyjama, en krama... Certaines, qui viennent d'accoucher, portent un bonnet en laine, comme le veut la tradition... Car accoucher, ça fait un truc à l'ame, et celle-ci risque de s'en aller...

Les gens sont ensuite triés et répartis dans des dortoirs lorsque l'état de l'enfant nécessite une hospitalisation.
J'ai visité ces dortoirs.
Mais bien sûr il est interdit de prendre des photos.
Une soixantaine de lits par salle.
Un parent par enfant est autorisé à dormir sous le lit de son enfant. La plupart emmènent des nattes qu'ils posent sur le sol, ainsi que quelques victuailles...
C'est relativement propre et bien entretenu, si l'on exclut le fait que la plupart des parents passent les nuits dans les rues avoisinantes à meme le sol et reviennent le matin pour s'occuper de leur enfant sans pouvoir se laver.
L'hygiène ne fait pas  partie de l'éducation.
Aucune connaissance médicale.
Ici, on a mal au ventre, mal à la tete, mal au coeur.
On a pas de maladie avec un nom...
Et surtout on ne pose pas de question au médecin... ça ne se fait pas.
L'enfant est malade ou très malade. On ne sait pas vraiment.
Le manque d'éducation saute alors aux yeux. Aucune notion de biologie, aucune notion de médedine sortie des trucs bizarres de grand mères, aucune notion de rien.
"mon enfant a la meme chose que le tien, dit-on à Atchun. Mais au pied..."
Same same, but different... Expression qui fait rire. Ou s'arracher les cheveux comme ici.
Des enfants meurent dans les lits d'à côté. On espère juste que ce sera pas le sien. Et pour se protéger des mauvais esprits, on pose un couteau sous l'oreiller du bébé. Comme ça il pourra se défendre si un esprit vient pour le prendre...

C'est la réalité que mes amis vivent.
Terrible pour elle, khmère, qui espère néanmoins que des solutions pourront être trouvées auprès d'autres médecins que les siens, tant elle est désespérée de tout son coeur de mère qui apprend violemment tout ce qu'elle ne peut pas connaitre et doit se reposer sur des échanges qu'elle ne comprend pas.
Terrible pour lui, français, qui se sent impuissant face à un système qui de plus l'éconduit car il est étranger. Et donc susceptible de créer des problèmes...Car il se battra pour sa fille jusqu'au bout et demandera des explications, sinon des comptes.
Terrible pour nous autour qui réalisons l'immense gap entre nos pays et le leur.
Et qui réalisons ce que c'est que d'avoir à faire face à une urgence vitale dans un pays comme celui-ci. 
Beau.
Facile.
Démuni.

Mais qui garde le sourire pour ne pas gèner. Pour ne pas perdre la face. Car la face, au final, c'est tout ce qu'ils ont.

je sais pas si je suis  cohérente dans ce que je raconte, mais c'est du brut.
Comme je le vis.
Et même si ce ne sont pas mes trippes qui sont en jeu, je souffre pour eux et avec eux.
Comme je le peux.
En rageant d'être impuissante.

Publié dans Cambodge

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C
<br /> Extraordinaire ce que tu vis mais encore plus extraordinaire ce que tu apportes à ceux qui sont près de toi.Tu sais combien je m'intéresse aux enfants et en suivant tes récits je me demande comment<br /> nous pourrions aider à l'instruction de ces petits.Joyeux anniversaire. Nous t'embrassons affectueusement.Marraine Jacques.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Je lis ici un récit fabuleux d'émotions ( la peur, l'attente, la découverte...) face à ce pays ,mon pays, et un système médical différent de la France et autres pays développés. La misère oui on la<br /> tâte du bout des doigts tous les jours mais le sourire, comme tu le dis si bien, est la seule arme à tout ce malheur. Les Organisations mondiales font du mieux qu'elles peuvent pour au moins<br /> apporter le minimum de soins dans ces hôpitaux et centre de fortune mais si dispensables à nos yeux.<br /> <br /> Je suis de tout coeur avec tes amis et toi, même si je ne vous connais pas, ton histoire dégage une telle émotion qu'on peut presque palper et on ne peut que te soutenir dans cette épreuve.<br /> <br /> Je ne connais pas la translittération mais je te dirai Ho Caun pour cette découverte d'une autre façade autre que touristique du pays Khmer.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Je ne peux que vous envoyer à tous de chaleureuses pensée à travers ces épreuves. Ta vie prend sens, s'illumine, ce que tu fais ici redonne des couleurs à tout ton parcours, enfin tu vis tout ce<br /> potentiel de bonté et d'aventure, de générosité et de curiosité, qui était en toi depuis toujours !!! Je t'embrasse fort, je serai heureux de rencontrer tes amis cambodgiens un jour. Moi la semaine<br /> dernière j'ai rêvé que j'étais au Cambodge et que je bouffais des mygales cuisinées comme ils le font là-bas, je me suis réveillé et j'ai eu envie de vomir toute la journée hihi ;-) Je te fais<br /> d'énormes bisous !<br /> <br /> <br />
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A
<br /> Tif,<br /> <br /> Je suis héberluée de ce que je lis...<br /> Pas les mots.. je pense bien fort a eux<br /> <br /> <br />
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T
<br /> Coucou Anne,<br /> je transmettrai à Ax.<br /> Là, la petite est en soins intensifs au vietnam, et comble de l'horreur, ils ont un droit de visite hyper limité (moins de 2 minutes par jour) car elle doit rester en environnement stérile.<br /> gros bisous!<br /> <br /> <br />